Ces reines qui ont fait l'Angleterre by Bernard Cottret

Auteur:Bernard Cottret [Cottret, Bernard]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Histoire
Publié: 2016-05-14T22:00:00+00:00

Révolution d’Angleterre et Fronde française

Si elle a fui l’Angleterre et ses troubles, Henriette-Marie se retrouve dans une France elle aussi gagnée par une révolution. Madame de Motteville utilise une métaphore tirée de l’astrologie : « L’étoile était alors terrible contre les rois. » Elle se rend auprès de la reine d’Angleterre, effondrée par le départ de son fils parti regagner son royaume. Totalement désargentée, Henriette-Marie est abandonnée de tous, même de ses domestiques ; elle se réfugie au carmel de la rue Saint-Jacques, situé dans le quadrilatère borné par l’actuel boulevard de Port-Royal au sud, la rue du Val-de-Grâce au nord, la rue Barbusse et la rue Saint-Jacques. Pour Henriette-Marie, lasse de tant de tribulations, c’est un peu un retour aux sources, au milieu des sœurs dont les oraisons muettes ont rythmé son enfance. Que peut-on éprouver face à cette femme rendue à la solitude contemplative après une vie de gloire au milieu des têtes couronnées ? Le parlement de Paris, après le parlement de Londres, n’est-il pas entré en rébellion, même si Madame de Motteville s’empresse de corriger que le parlement de Paris est, « grâce à Dieu, bien différent de l’autre en ses intentions, et différent aussi en ses effets » ?

L’Angleterre, contrairement à la France du temps, accomplit l’irrémédiable. Elle met à mort son roi. Charles Ier ne mérite pas ce châtiment injuste ; sa vie est « exempte de tout reproche, à l’exception d’une hérésie qu’il avait reçue de ses pères, et dont il semble que son malheur était la suite, comme le péché d’Henri VIII en était la source ». Il s’en serait fallu de peu, selon Madame de Motteville, qu’il ne devienne catholique. « Il n’y a jamais rien eu de plus pitoyable que l’état où était alors cette grande famille royale d’Angleterre, constate-t-elle, elle était persécutée par ses sujets, trahie de ceux qui leur devaient tout ; et ceux dont avec justice elle devait espérer du secours étaient forcés de l’abandonner. »

Charles meurt après cet échange célèbre avec l’évêque anglican de Londres, William Juxon, venu l’assister dans ses derniers instants : « Je vais d’une couronne corruptible à l’incorruptible, où il ne peut pas y avoir de trouble, non, aucun trouble du monde. – Oui, lui dit le sieur Juxon, vous changez votre couronne temporelle à une éternelle : c’est un fort bon échange. » Mais cela ne met pas fin aux souffrances morales de son épouse qui croit, sur le témoignage d’un faux bruit, « que le roi son mari avait été amené de la prison jusque sur l’échafaud ; qu’on lui avait voulu couper la tête, mais que le peuple s’y était opposé ». Mais ce bref répit ne dure guère et on ne parvient pas à lui « déguiser son malheur plus longtemps ».

« Elle m’a souvent dit elle-même qu’elle était étonnée comment elle avait pu survivre à ce malheur », poursuit Madame de Motteville, qui insiste sur cette chute déplorable d’une reine qui ne voit plus dans l’avenir « qu’une continuelle suite de misères et d’afflictions ».

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